Se détourner. Se séparer. Être différent. Sortir du chemin. Avoir les pattes agiles des chevreuils, la propulsion des guépards et bondir. S’enfoncer dans la végétation. Toucher le tronc des arbres, retrouver nos mains de singes et s’élever de branche en branche. Disparaître dans les forêts profondes. Dans les canopées inaccessibles. Se laisser pousser les ailes des grues couronnées, des sternes arctiques, invoquer la fougue des hirondelles et se propulser le plus loin possible. Nous organiserions des grands vols migrateurs loin des temps de la catastrophe, loin de la fureur des guerres. Emplissant le ciel de nos chants, de nos langues d’oiseaux, oubliant les mots guerres, conflits, haine, division. Nous partirions à tire-d’aile loin des enclaves, tracés, frontières, zones de conflits… Toujours plus haut, nous sortirions de l’accélération du temps. Retrouvant les courants ascendants et descendants, jouissant de la liberté de nos ailes, ne faisant qu’un avec les éléments célestes… bâtissant des cités nouvelles, radieuses, heureuses, libres.
Lancer notre imagination comme un sortilège pour contraindre chacune de nos cellules, chacun des muscles de notre corps à l’espoir. Se répéter que l’espoir est une discipline. Une discipline solitaire et collective. Dans les salles des théâtres : se rassembler et espérer ensemble. S’émouvoir ensemble. Trembler. Douter. Convoquer la joie du divertissement. Se divertir, cela veut dire se détourner. Se modifier. C’est rire aussi, de nous et du monde, l’humour comme une affirmation, une déclaration de dignité.
Kevin Keiss Auteur-dramaturge associé au projet de la direction
Billet d'humeur